Il m'arrive très très rarement de regarder "Salut les Terriens" sur Canal +. Je regarde assez peu la télé, en général. Samedi soir, j'avais envie de m'asseoir sur
mon canapé, à ne rien faire. Ne pas vouloir se trouver une occupation, c'est déjà une occupation à temps plein ! Bref. Je m'installe donc sur mon canapé et allume la télé. J'avais dans l'esprit
de faire un petit tour des programmes. Je tombe sur Salut les Terriens, fin de l'intervention de Stéphane Guillon. Ardisson enchaîne aussitôt avec Pierre Priolet, agriculteur, damné de la Terre.
Le regard de cet homme m'a immédiatement interpellé. En quelques phrases, il a démonté le système actuel, les grandes surfaces et donné les solutions nécessaires à la survie des agriculteurs
français. Pierre Priolet a parlé de "race" des paysans, la dernière race à ne pas vouloir tout tout de suite, à travailler pour sa descendance. Il lui a fallu dix ans, après avoir planté
ses vergers, pour commencer à faire une récolte à peu près correcte. Ensuite, il y a eu le piège des grandes surfaces. Au départ, elles étaient censées vendre à un plus grand nombre avec des
marges réduites afin de proposer les produits au plus bas prix. Ce n'était que de la poésie. En fait, les grandes surfaces sont des prédateurs voraces et implacables. Elles ont tué tous les
petits et se sont mises à leur place, on récupéré leur marge bénéficiaire. Multipliée bien sûr par des millions. Un K. de pommes acheté 0,17 euros est revendu 2,49 euros. Le coût de production
d'un K. de pommes est de plus de 0,40 euros. Les agriculteurs vendent à perte, ce qui est interdit. Mais ce sont les grandes surfaces qui font la loi et personne à Bruxelles ou ailleurs ne trouve
à redire.
Pierre Priolet propose des solutions d'une simplicité limpide : Il demande à ce qu'on autorise les agriculteurs à vendre 1000 m2 de terrain agricole que le POS
aurait rendu constructibles. 40 % du prix de vente tomberait dans la trésorerie de l'agriculteur pour l'aider à remonter un peu la pente et 60 % irait dans un fonds commun géré par un groupement
d'agriculteurs et qui servirait à créer des magasins, entre 2 et 300, ceux-ci ayant pour objet de vendre les produits de l'agriculture française, au juste prix. Il propose qu'un sénior prenne la
gérance d'un magasin et embauche deux à trois jeunes. Grâce à xe système, le producteur serait plus proche du consommateur, le marché serait plus juste. La Monde serait plus propre, des jeunes
seraient plus facilement tentés par l'aventure de l'agriculture.
A part les grandes surfaces, tout le monde y gagnerait largement.
Pierre Priolet rappelle qu'actuellement, on va chercher des pommes en Chine ! Là-bas, la main d'oeuvre coûte 0,05 euros de l'heure. Par contre, le transport
coûte bonbon ! Les qualités des pommes sont tout simplement dégueulasses, On paie le transport ! C'est ballot, non ? De même les kiwis qu'on va chercher au Chili alors qu'il y a des grandes
exploitations en France. Le kiwi n'est pas le fruit exotique qu'on veut nous faire croire. Quand j'habitais la banlieue lyonnaise, il y avait à côté de chez moi une grande exploitation de
kiwis.
Pierre Priolet nous a expliqué pourquoi il a appelé France Inter quand il a entendu le Ministre de l'Agriculture débiter un chapelet de conneries sur une profession
qu'il ne connaît pas plus que celle d'éleveur de vers à soie. "Lorsque le Ministre dit qu'en 2009, les paysans ont vu leurs ressources baisser de 34 %, mon sang n'a fait qu'un tour, dit-il dans
un sanglot. il aurait déjà fallu que nous ayons des ressources !"
Pierre Priolet rappelle enfin que lorsqu'il prendra sa retraite, après avoir cotisé 46 ans, il percevra 696 euros par mois. C'est le montant d'une retraite
d'artisan en France. Or, sans les artisans, les agriculteurs, la France, c'est quoi ?
Ces dernières semaines, j'avais un peu boudé mon marché. Pierre Priolet, que j'ai vu étranglé de sanglots à plusieurs reprises, m'a rappelé qu'il est vital pour
notre Pays de ne plus acheter des fruits et légumes dans les supermarchés, fruits et légumes provenant en grande majorité de l'étranger, mais directement aux producteurs, sur les marchés, dans
les coopératives et dans les magasins dont nous a parlé Pierre Priolet et qui je l'espère de tout coeur, verront bientôt le jour. C'est un projet d'intérêt général dont les candidats à la
campagne des régionales devraient absolument s'emparer.
Je vous invite à aller sur ce blog Pierre Priolet, porte-parole des damnés de la Terre Agricole, où vous
pourrez lire le témoignage excellent de Victor Rayoli qui connaît bien Pierre Priolet. Et nous rappelle qu'à une époque, le Vaucluse, la vallée du Rhône, et j'ajoute, la Drôme, étaient le verger
de la France. Je peux en parler, mon père était transporteur de fruits et légumes, à une époque où le Marché Gare de Lyon et les autres grouillaient de vie dès l'aube. C'était un autre temps.
Pourquoi ? Pourquoi donc préférer aujourd'hui l'atmosphère des grandes surfaces à ces lieux providentiels, lieux de vie où les couleurs se mélaient aux senteurs des fruits et légumes de nos
régions. Si nous ne voulons pas vivre dans un monde aseptisé, redonnons à la Terre son titre de noblesse.
Samedi soir, chez Ardisson à Canal, il a crevé l'écran Pierre. La télé, c'est le domaine de l'émotion et Pierre Priolet - paysan
provençal en phase professionnelle terminale - en a donné de l'émotion. Même Ardisson et son cynisme gouailleur en était remué. Car Pierre a démonté avec clarté les mécanismes d'un système
économique qui pousse à la mort la paysannerie française.
Il se trouve que je connais Pierre Priolet. Je l'ai connu dans une autre vie, lorsque nous « refaisions le monde patronal » au
sein du Centre des Jeunes Dirigeants d'Avignon. Pierre était un bel homme énergique, plein d'idées altruistes. Il avait créé une antenne de Solidardosk à cette époque. Lui, paysan, avait
réussi à s'imposer dans ce milieu CJD plutôt content de lui et qui avait tendance à regarder le monde agricole avec condescendance. SUITE